Le chef-lieu et le domaine skiable de la station-village d'Aussois. À l'arrière-plan, la Dent Parrachée.
c. 1953
2007
c. 1953
2007
Présentation
LA RUEE VERS L’OR BLANC L'archéologue : Il paraît pertinent d'aborder l'archéologie d'un paysage par la question des ressources existantes et de leur localisation. De là découle principalement la raison des aménagements et de l'organisation de l'espace. Si le sol plan et fertilisé par les alluvions glaciaires, ainsi que la forêt susceptible de produire bois de chauffe et de construction expliquent en grande partie la situation et l'organisation de l’ancien paysage cultivé d'Aussois, l'évolution récente du paysage doit beaucoup à la présence de la houille blanche (barrages) et de l’or blanc (ski). (Jean-Pierre Blazin) L'historien : « La reproduction ancienne semble encore porter les traces d’une culture originale et inattendue en terrain de montagne : des champs ouverts notamment céréaliers (seigle) fonctionnant en un système de jachères régulé par la communauté ». Aujourd’hui, ce système s’est immobilisé et uniformisé en prairies. (François Forray) Le paysagiste : D'où sont prises les photographies, le principal point d'appel visuel s'est déplacé du clocher vers les remontées mécaniques, tout un symbole ! D’autre part, la nuance de verticalité donnée dans la photo ancienne par l’ostensible flèche d'église et par la netteté des étages alpins qui semble redresser la Dent Parrachée, a disparu dans la photo récente du fait de la nébulosité et de l'étalement urbain et forestier ; ceci concourant à un aplatissement du paysage. (Jean-Pierre Petit et PNV) L'urbaniste : L'agglomération, initialement développée le long des axes routiers, s'est étendue en trois bras entourant des dépressions naturelles réglementairement protégées pour maintenir leur usage agricole. Le front de neige, dernière phase d'extension, est soumis à la procédure réglementaire d'Unité touristique nouvelle qui impose une continuité de construction avec le bâti préexistant, et répond en partie au besoin d'équilibrer financièrement les dépenses d'équipements comme le télésiège. (Jean-Pierre Petit et PNV) L'architecte : « Les saignées des remontées attirent en premier lieu l'attention (...), mais c'est autour du foisonnement des constructions que se joue la mutation du paysage : la villégiature s'est emparée du terroir. Cette architecture de villégiature est appelée à changer de peau, à recevoir des doublages et de nouvelles menuiseries pour se protéger du froid... sa physionomie va se transformer à son tour. » (Yves Belmont) L'ingénieur : « Les gens autrefois étaient très économes de l’espace. Ils se sont mis en plein milieu alors que souvent les villages se mettaient sur les cônes de déjection dangereux ». L’extension du village s’est traduite par un étalement urbain. « On aurait pu imaginer un village dans la pente. Mais c’est coûteux ; cela implique des infrastructures. »  (Jean-Pierre Feuvrier) Le politique : « On peut imaginer qu’il y avait environ 400 habitants. Maintenant il y a 700 permanents plus 6000 lits touristiques ». « L’agriculture, l’élevage, s’est largement maintenue avec une quinzaine d’exploitants. …Il faut remplacer les remontées des années 1970-1990, (…) restructurer le domaine skiable. Ça représente un coût très élevé. Le seul moyen c’est de construire des lits pour faire venir plus de personnes. Mais depuis l’an dernier, tout est stoppé. On se méfie, car on observe qu’il y a plus de lits que de clients. Le village n’a cessé de croître par nécessité, dans un cycle économique infernal, contre lequel on ne peut pas grand chose.» (Alain Marnézy) Le philosophe : « Le paysage de montagne (…) est aujourd’hui un décor plus qu’un mode de vie. L'industrie touristique hiérarchise les lieux selon les marchés, et ne se préoccupe guère d'une quelconque protection. Les stations balnéaires ou de sports d'hiver ne connaissent pas d'autre logique que celle de la rentabilité. Le paysage est devenu un produit comme un autre, il est livré avec les clefs de l'appartement, loué pour quelques jours. » (Pascal Bouvier)