Le lac et le village du Praz. À gauche, la gare de départ du télésiège dit "de la Forêt" et de la télécabine dite "du Praz". À droite au 2e plan, la Dent du Villard et, au fond, le Grand Bec. Prise de vue en direction de l'est.
c. 1966
2006 (25 août)
c. 1966
2006
Présentation
Témoignages
LE REPLI AGROPASTORAL L’observateur immédiat : La disparition du troupeau n’est qu’apparente, car on peut deviner que la clôture électrique, sur l’image récente, est un enclos de pâturage. La différence est justement cette séparation physique qui, l’été, renvoie chacune d’un côté les fonctions pastorale et touristique, établissant une concurrence là où il y avait solidarité. Le repli est d’autant plus marqué pour le pastoralisme que le lac, lieu d’une convivialité en tant qu’abreuvoir et étang de pêche ou de loisir, a été accaparé pour le tourisme qui manifeste son appropriation par l'aménagement de ses abords : sentier, poubelle, banc, passerelle, et par la plantation d’une roselière. Celle-ci, au-delà de l’agrément et de l’image de marque attendus, vise à lutter contre la pollution animale du lac. Le pastoralisme est peu à peu devenu une activité marginale, tel un décor enfermé dans sa clôture. (Jean-Pierre Petit et PNV) L’historien : Sur la photo ancienne, Le Praz, plus haut hameau permanent de Saint-Bon, desservi par la nouvelle route de Courchevel 1850, demeure en apparence fidèle à sa vocation agropastorale traditionnelle, hors influence de la station phare. Au cours des années 1970, la fièvre de la vocation touristique d’hiver, qui a déjà atteint Moriond et le site de Courchevel 1550 imprégnés du modèle de la superstation, contamine Le Praz à son tour, mais celle-ci semble redécouvrir la vertu, sinon le charme, du stéréotype villageois, et grâce au distancement d'une liaison téléphérique, joue la carte du retour à la bergerie, dans une ambiance certes hybride non dénuée d’influences modernes, mais qui suffit à l’illusion après une journée passée, plus haut, dans une quasi cité industrielle du ski. (Bruno Berthier) Le paysagiste : C’est encore vers 1965 le cliché de l’alpe rousseauiste. Une montagne riante, vivante et paisible, avec en fond de sublimes et effroyables sommets, plus quelques peupliers évoquant les peintures toscanes de la Renaissance, matrices occidentales du beau paysage, et cette colorisation qui donne des bonnes joues bien saines à la montagne. Les tarines jouent dans ce tableau un rôle de signature géographique. Mais ce cadre bucolique s’est transformé en un cadre technique formé de part et d’autre d'installations mécaniques (gare de départ et pylône du télécabine), et à l’avant, d'une barrière électrique ; technicité allant jusqu’à normaliser le sujet : le rivage estompé du lac se géométrise, et les nuances automnales des feuillages ont été supprimées avec les vergers du fond, au profit d’un vert sapin. (Jean-Pierre Petit et PNV) L’urbaniste : L’image de station-village à l’écart de la pression urbaine est relativement trompeuse. Le Praz est sous l'influence économique de Courchevel dont la dérive spéculative fait redescendre des familles qui trouvent là, à 1300 m, un niveau de vie plus abordable, en même temps que des commodités d’habitation (rapprochement de la vallée, climat...), sans se priver de l’accès à l’une des plus prestigieuses stations de sports d’hiver du monde. La pression de Courchevel est donc bien là, et pas seulement à travers les installations du téléphérique qui semblent comprimer l’image. (Jean-Claude Bompas) L’ingénieur : Avant, le lac était là parce qu’il était là, naturellement retenu. Maintenant, on sent une volonté de le retenir malgré lui en le cernant par un sentier, sans doute parce qu'il est devenu objet de valeur plus que d’usage. La roselière, participe de sa valeur ajoutée, non en tant que référence à un lieu traditionnellement malsain, porteur de miasmes, mais comme image de marque d’une approche technique labellisée dans une optique de développement durable. A côté de ça, on voit une passerelle visant à gérer techniquement des flux de circulation croisés. (Jean-Pierre Feuvrier)