Le Vallon de la Leisse avec la Grande Motte (au centre) et le col de la Leisse (au fond). Prise de vue en direction de l'est, depuis l'aval du col de la Vanoise, avant le blockhaus en montant vers le col.
c. 1910
2007 (19 juin)
c. 1910
2007
2022
Présentation
Témoignages
LA CONVERSION DES COLS L’observateur immédiat : La photo est prise depuis un point de vue légèrement en dessous du col de la Vanoise. Col symbolique pour le massif et pour le Parc national du même nom. On voit sur le flanc du versant de droite, le sentier de randonnée qui rejoint le refuge de la Leisse, situé sous le col en bout de vallon. Le paysage n’a pratiquement pas bougé, ni les névés, ni la végétation ; à peine une reprise d’herbe sur l’ancien chemin muletier. Un lieu qui ne passe pas, donc ; ce qui peut sembler paradoxal pour un lieu de passage ! Ce lieu resté presque identique, ne peut que faire partie des représentations identitaires de la Vanoise partagées par les générations successives. (Jean-Pierre Petit et PNV) L’historien : Ce qui étonne, c'est que l’image d’aujourd’hui soit celle d'hier. De tous les cols de la zone intra alpine utiles au colportage, le col de Vanoise se prêtait spécialement à la liaison entre Tarentaise (Bozel, Pralognan) et Piémont. Les paysans vendaient leurs bétails et fromages dans la vallée de Suze ou sur les marchés d’automne de Turin, débouché plus naturel que Chambéry. Cette liaison naturelle vers l’Italie en faisait aussi un endroit militairement surveillé et parcouru par les patrouilles de la garnison de la citadelle de l'Esseillon. On peut envisager ici en image les débuts du tourisme en Vanoise, issu du Grand Tour britannique du XVIIIe siècle. Le cœur de la Vanoise, bien que peu propice à l’alpinisme, attirait néanmoins des étrangers pour des excursions d’été en haute-montagne… et souvent, comme ici, à dos du mulet et accompagnés de guides habitant le pays, dits marrons, probablement de Termignon ou de Pralognan. (Brien A. Meilleur) L’ingénieur : « En haut, c’est la permanence du paysage, on est dans le domaine du minéral. On est frappé par la stabilité de l’image, même si ces grands éboulis continuent sournoisement de bouger. Les mêmes couloirs, les mêmes culots d’avalanche. Le chemin est là, sous une autre forme. A l’époque, il s’agissait d’une approche muletière. Aujourd’hui les mulets sont anecdotiques même s’il existe une production muletière reconnue dans le Val d’Arly et que certaines agences essaient de développer la randonnée sans bagage (pour le marcheur). Les cols de la Vanoise et de la Leisse sont maintenant empruntés par les seuls randonneurs. C’est un mode d’appropriation du paysage par l’homme. Aujourd’hui le col de la Leisse est sur le sentier du GR. Le tour de la Vanoise est une grande classique. Des fois, dans ce genre de paysage, ce qui peut tout changer, c’est un pylône de remontées mécaniques. » (Jean-Pierre Feuvrier) Le philosophe : « Rien ne prédispose à voir dans le paysage montagnard du sublime ou de la beauté, les habitants des Alpes ou des Pyrénées au XVIIe siècle sont effrayés par les sommets, seuls quelques chasseurs ou cristalliers s'y aventurent. Lorsque Descartes traverse un col savoyard et qu'il observe une avalanche, il cache mal sa frayeur sous des remarques de physicien. Comment dès lors, apparaîtra le sentiment de la montagne en tant que paysage ayant une valeur ? C'est lorsque la pensée des Lumières aura balayé toute forme de superstition sur la montagne que celle-ci deviendra un paysage digne d'estime. » (Pascal Bouvier) Le photographe : « Les chemins muletiers marquent les flancs de montagne. Les mules, ces animaux rustiques ont une science millénaire de l’itinéraire, leurs passages répétés ont sillonné le sol et tracé des sentiers. Aujourd’hui la photographie est en couleur et la mule n’est plus, mais les sentiers restent qui, comme la neige, rythment et ourlent les pentes. Au vu de ces deux photographies, même la vallée semble avoir été tracée par les mules. » (Jacques Damez)